langage langue parole D autres sciences opèrent sur des objets donnés d avance et qu on peut considérer ensuite à différents points de vue ; dans notre domaine, rien de semblable. (Saussure, 1916, p.23)
Pour nous elle ne se confond pas avec le langage ; elle n en est qu une partie déterminée, essentielle, il est vrai. C est à la fois un produit social de la faculté du langage et un ensemble de conventions nécessaires, adoptées par le corps social pour permettre l exercice de cette faculté chez les individus. Pris dans son tout, le langage est multiforme et hétéroclite ; à cheval sur plusieurs domaines, à la fois physique, physiologique et psychique, il appartient encore au domaine individuel et au domaine social (p.25) circuit de la parole Pour trouver dans l ensemble du langage la sphère qui correspond à la langue, il faut se placer devant l acte individuel qui permet de reconstituer le circuit de la
parole. Cet acte suppose au moins deux individus ; c est le minimum exigible pour que le circuit soit complet. Soient donc deux personnes, A et B, qui s entretiennent. Le point de départ du circuit est dans le cerveau de l une, par exemple A, où les faits de conscience, que nous appellerons concepts, se trouvent associés aux représentations des signes linguistiques ou images acoustiques servant à leur expression. Supposons qu un concept donné déclanche dans le cerveau une image acoustique correspondante : c est un phénomène entièrement psychique, suivi à son tour d un procès physiologique : le cerveau transmet aux organes de la phonation une impulsion corrélative à l image ; puis les ondes sonores se propagent de la bouche de A à l oreille de B : procès purement physique. Ensuite, le circuit se prolonge en B dans un ordre inverse : de l oreille au cerveau, transmission physiologique de l image acoustique ; dans le cerveau, association psychique de cette image avec le concept correspondant. Si B parle à son tour, ce nouvel acte suivra de son cerveau à celui de A exactement la même marche que le premier et passera par les mêmes phases successives. p.27-28) A B A A A B B
B B A Mais pour bien comprendre ce rôle, il faut sortir de l acte individuel, qui n est que l embryon du langage, et aborder le fait social. (p.29) dans la partie psychique localisée dans le cerveau, on peut appeler exécutive tout ce qui est actif et réceptif tout ce qui est passif. (...) La partie psychique n est pas
non plus tout entière en jeu : le côté exécutif reste hors de cause, car l exécution n est jamais faite par la masse ; elle est toujours individuelle, et l individu en est toujours le maître ; nous l appellerons la parole. (p.29-30) Elle est un objet bien défini dans l ensemble hétéroclite des faits de langage. On peut la localiser dans la portion déterminée du circuit où une image auditive vient s associer à un concept. Elle est la partie sociale du langage, extérieur à l individu (p.31)
Si nous pouvions embrasser la somme des images verbales emmagasinées chez tous les individus, nous toucherions le lien social qui constitue la langue. C est un trésor déposé par la pratique de la parole dans le sujets appartenant à une même communauté, un système grammatical existant virtuellement dans chaque cerveau, ou plus exactement dans les cerveaux d un ensemble d individus ; car la langue n est complète dans aucun, elle n existe parfaitement que dans la masse. (p.30) En séparant la langue de la parole, on sépare du même coup : 1 ce qui est social de ce qui est individuel ; 2 ce qui est essentiel de ce qui est accessoire et plus ou moins accidentel. (p.30) 1 2
la langue est nécessaire pour que la parole soit intelligible et produise tous ses effets ; mais celle-ci est nécessaire pour que la langue s établisse ; historiquement, le fait de parole précède toujours. Comment s aviserait-on d associer une idée à une image verbale, si l on ne surprenait pas d abord cette association dans un acte de parole? D autre part, c est en entendant les autres que nous apprenons notre langue maternelle ; elle n arrive à se déposer dans notre cerveau qu à la suite d innombrables expériences. Enfin, c est la parole qui fait évoluer la langue : ce sont les impressions reçues en entendant les autres qui modifient nos habitudes linguistiques. Il y a donc interdépendance de la langue et de la parole ; celle-là est à la fois l instument et le produit de celle-ci. Mais tout cela ne les empêche pas d être deux choses absolument distinctes. (p.37-38)
Entre tous les individus ainsi reliés par le langage, il s établira une sorte de moyenne : tous reproduiront, non exactement sans doute, mais approximativement les mêmes signes unis aux mêmes concepts. (p.29)
1986 p.52 p.57 unités morphologiques unités significatives p.61 le fait linguistique
signe A B A B p.74 A B A B sujet entendantp.80
p.81 p.100-101
Saussure, Ferdinand de, 1916, Cours de linguistique général, publié par Charles Bailly et Albert Séchehaye avec la collaboration de Albert Riedlinger, Payot. 1972 1986 1985